Sainte Agathe
La célèbre Sainte Agathe du musée Fabre, un des joyaux de la collection, n’a cessé de fasciner les visiteurs depuis son achat par la ville en 1852 à la vente Soult, en même temps que L’Ange Gabriel. Selon toute vraisemblance le tableau provient du couvent de la Merced Calzada, démembré lors de l’occupation de Séville par les Français en
1810.
Agathe, grande sainte de la Contre-Réforme, fut très tôt honorée en Espagne. Originaire de Catane, la belle et riche Agathe décide de consacrer sa vie au Christ dès sa plus tendre enfance. Elle résiste aux avances du préfet païen Quintianus et subit d’atroces supplices – seins broyés puis tranchés – tout en proclamant sa foi.
Des nombreuses saintes représentées par Zurbarán, la Sainte Agathe est incontestablement la plus fascinante et la plus mystérieuse. Elle est montrée debout, le corps légèrement ployé, le visage tourné vers le spectateur, en train de présenter le sinistre trophée à la façon des Hérodiade ou des Salomé chères au monde caravagesque. Le geste est à la fois humble et délicat. L’expression pleine de grâce se teinte de mélancolie.
La composition tout abstraite joue habilement sur le jeu des formes rondes et courbes. Le clair-obscur exalte les belles matières tactiles enlevées dans une gamme de couleurs rares et audacieuses : bleu canard du justaucorps, mauve de la robe virant à l’amarante, rouge du manteau, jaune lumineux des manches – les fameuses « manches citrines » qui enchantaient Paul Valéry. C’est ce mélange de stylisation, de rêverie, joint au réalisme de la couleur et de certains détails comme les seins aux reflets laiteux posés sur le plateau de métal, qui fait tout le charme obsédant de ce tableau réalisé vers 1635-1640, véritable icône de la peinture religieuse du Siècle d’or espagnol.