Femme accoudée sur le bras d’un fauteuil
Entre octobre 1941 et 1942, Matisse revient à Nice dans son atelier de l’hôtel Régina. Fatigué par la maladie – il est opéré en janvier d’un cancer du duodénum –, il néglige la peinture pour se consacrer au dessin : de cette ascèse artistique naîtront les séries des Thèmes et variations, dix-sept ensembles de dessins d’une grande liberté qui déclinent le même motif de femme ou de natures mortes. Le procédé demeure le même : à partir d’un premier fusain qu’il désigne comme « dessin du thème », Matisse explore au crayon ou à l’encre les perspectives formelles de la ligne.
Cette feuille intitulée Thèmes et variations, B6 fait partie du deuxième ensemble. Son titre est en soi significatif. Plus qu’une représentation féminine, il s’agit ici d’une expérience artistique où l’artiste pousse les limites du trait dans ces ultimes retranchements. Une ligne claire encadre le volume du corps, désigne le fauteuil, les yeux, la bague de la main avec une formidable capacité d’épure.
Dans un texte destiné à Louis Aragon qu’il venait de publier en 1942 Matisse-en-France, l’artiste écrivait : « Quand j’exécute mes dessins Variations le chemin que fait mon crayon sur la feuille de papier a, en partie, quelque chose d’analogue au geste d’un homme qui chercherait, à tâtons, son chemin dans l’obscurité. Je veux dire que ma route n’a rien de prévu : je suis conduit, je ne conduis pas. […] N’est-ce pas que je suis conduit seulement dirigé par un élan intérieur que je traduis au fur et à mesure de sa formation plutôt que par l’extérieur que mes yeux fixent et qui n’a pourtant pas plus d’importance pour moi qu’une faible lueur dans la nuit […]. Chemin si intéressant, n’est-il pas le plus intéressant de l’action ? »
Matisse donna en 1943 au musée Fabre les sept dessins de la série alors que Martin Fabiani publiait la même année ces dix-sept ensembles.