Portrait de Madame X
Figure centrale de l’impressionnisme, Caillebotte se forma dès 1871 dans le très académique atelier de Léon Bonnat. Alors qu’il réussit le concours d’entrée à l’école des Beaux-arts de Paris, il fréquente Degas qui l’introduit en 1874 auprès des artistes refusés des Salons officiels : Monet, Renoir et Pissarro. S’il ne participe pas à la première exposition impressionniste chez Nadar, il sera présent à celles de 1876, 1877, 1879 et 1880. Très influencé par son ami Degas avec qui cependant il se brouille en 1881, il sera le tenant d’un art naturaliste inspiré par Courbet et le peintre de la réalité sociale et de la vie moderne (Les raboteurs de parquet, 1875, musée d’Orsay ; Le pont de L’Europe, 1876, petit palais, Genève). De même qu’il se passionne pour la représentation d’une humanité confrontée au monde industriel, il donnera de nombreux portraits et, toujours à l’image de Degas, son style sera basé sur une pratique assidue du dessin.
Exemplaire de ce goût pour la figure humaine, ce portrait est caractéristique de la maîtrise obtenue par l’artiste dans l’art du pastel. Assise sur un fauteuil, chapeautée et gantée comme pour sortir, la femme est placée au premier plan ; derrière elle apparaît un homme dans un encadrement. S’agit-il d’un portait accroché au mur ou du reflet d’un miroir ?
Dans cet espace sans profondeur, la composition joue de la dissymétrie du cadre et du dossier ainsi que de la divergence des regards pour nouer un dialogue étrange et silencieux entre les deux personnages ; climat énigmatique où se dissolvent les repères optiques alors qu’une singulière harmonie de bleu et de jaune souligne avec des accents stridents le décalage de la scène.
Cette confusion des perspectives sera un thème de recherche récurent des impressionnistes et atteindra l’un de ses points culminants avec Un bar aux folies bergères de Manet (1882).
Malgré un réel talent artistique, Caillebotte connut une notoriété posthume non pas pour sa peinture mais grâce à son extraordinaire collection de tableaux constituée auprès de ses amis artistes. Le legs qu’il consentit en 1896 à l’Etat fut l’objet d’une vive polémique nourrie par les défenseurs de l’académisme. Cet ensemble constitue aujourd’hui le socle des collections impressionnistes du musée d’Orsay.